Ironman au Brésil en 2009 à Florianopolis
Arnaud Bézard,
Participant Ironman Brésil 2009
Dimanche 31 mai 2009, 4h00, heure locale.
Levé en pleine forme, décalage horaire non rattrapé oblige, pour un petit déjeuner d’avant course : gâteau sport chocolat banane et thé aux fruits rouges.
5h00 : départ en voiture pour le parc à vélo de Juréré, situé à 4 km de la pousada (auberge), pour y faire un dernier check des vélos, des sacs de transition (natation/vélo) et (vélo/course à pied), et surtout pour se préparer au départ natation qui doit avoir lieu à 7h.
6h40 : sortie de la tente en combinaison, direction la plage pour le départ natation, qui se situe à 600 m de là. 1800 personnes, des spectateurs par centaines, l’hélico de l’organisation et des télés, des jets ski en sécurité, tout y est !
Le stress est à son comble, c’est ça aussi un Ironman !
La surprise du jour, c’est qu’il ne pleut plus (pour le moment), mais par contre il y a du vent et des vagues.
6h55 : première ligne derrière les pros (ils sont 80 avec des bonnets bleus), le dossard 587, bonnet blanc est en place.
7h01 : top départ, 10 m de plage en courant et puis c’est le grand plongeon, direct dans la première vague pour ne pas revenir sur la plage ! C’est parti pour 3800 m de natation dans une mer formée. Les bouées de 6 m de haut ne sont pas si faciles à repérer en nageant !
Sortie de l’eau au bout de 2000 m pour un petit tour sur la plage (sortie à l’australienne, pour que le public puisse voir les participants), et puis on retourne dans l’eau pour terminer le parcours.
1h02 plus tard, je sors enfin de l’eau, c’est 7 minutes de plus que mon temps habituel sur cette distance. Je me suis un peu paumé entre les bouées. Je suis furax !
Je retire ma combi, aidé par 3 bénévoles (c’est ça aussi l’organisation Ironman, nickel !) et puis je fais les 400 m de liaison au taquet pour venir chercher mon sac vélo sous la tente de transition.
Casque, lunettes de soleil, ceinture porte dossard dans le dos et c’est parti pour aller chercher mon vélo dans le parc et enchaîner sur les 180 km de vélo.
Départ canon, 39 km/h de moyenne sur le premier tour de 90 km, un peu trop canon d’ailleurs, mes jambes commencent un peu à être lourdes, il y a du vent, un peu de pluie et les lignes droites brésiliennes commencent à sembler interminables.
Pas de panique, on s’alimente et on se calme un peu sur le rythme.
En tout cas, je vis des moments inoubliables : passage dans des tunnels sur l’autoroute, perte de repères dans le noir, des gamins qui hurlent à ton passage dans les côtes. Génial !
4h58, fin des 180 km de vélo, bonne moyenne, 37.7 km/h, je suis satisfait mais un peu inquiet pour le marathon, n’ais-je pas trop forcé et ne vais-je pas le payer ?
Retour à la tente de transition en ayant laissé mon vélo en passant à un bénévole qui se chargera de le remettre à son emplacement (vraiment géniale cette organisation).
Enlever le casque, mettre la ceinture porte gel, les chaussettes, les chaussures, la casquette, les lunettes de soleil et c’est reparti (après une pause pipi) . Objectif : la première grande boucle de 21 km.
Pour cette partie, de loin celle où je suis le plus en difficultés, car effectivement je n’ai pas le physique du marathonien (185 cm pour 79 kg), je suis équipé d’une toute nouvelle paire de semelles dans mes chaussures.
Issues d’une étroite collaboration avec mon podologue du sport et ami (qui m’a tout simplement permis de remarcher et de recourir il y 3 ans, cf. les chapitres précédents), elles sont équipées d’une lame carbone (2 couches) sur toute leur longueur, ce qui leur donne une nervosité étonnante lors de la phase de poussée de la foulée, de vrais petits bijoux !
Merci Pierre.
Enfin, reste tout de même à courir.
Le départ se fait en plein village Ironman, le public est très nombreux, le soleil est revenu (27 degrés et 97% d’humidité), l’expérience de mes précédentes courses de ce type m’a enseigné qu’il ne faut pas céder à l’euphorie du moment, et surtout ne pas partir trop vite.
Alors, référence au chrono : 4’30 au kilomètre pas plus rapide.
C’est parti pour les 3 premiers kilomètres, ils sont effectivement plutôt faciles à faire, et puis on se retrouve seul, sous le soleil qui tape fort et les choses se gâtent.
Ça ne va pas être si simple de taper les 3h15 comme prévu.
Un français que nous avions rencontré quelques jours avant le départ nous avait prévenu qu’il y avait une surprise entre le 15ème et le 17ème. Effectivement, on tourne à droite et ouf un mur de 50 m à 18 % (faut presque une corde), et puis un autre, encore un autre et enfin encore un autre. A chaque fois il faut faire la descente qui suit derrière. Et surtout il va falloir les refaire dans l’autre sens dans peu de temps, c’est une boucle et nous sommes proches du demi-tour.
Ça casse les pattes cette affaire. Et le moral aussi !
Enfin le retour se fait avec les mêmes bosses en sens inverse, les descentes sont un enfer pour les cuisses et lorsque l’on revient vers le centre ville, du public de nouveau, le sourire revient.
21 km, le semi, ça c’est bon.
Mais les crampes aux mollets pointent le bout de leur nez, à chaque poussée. Je cours sur des œufs. Faut que ça tienne, ça fait un moment que je n’ai pas regardé le chrono. J’ai peur que ça me casse le moral. Alors je continue au feeling, on verra bien. Pour le moment j’ai doublé quelque personnes.
Il reste 2 petites boucles de 10.5 et heureusement, elles sont toutes plates. Refaire le tour avec les bosses aurait été dur.
Cette première petite boucle me permet de rattraper des gens qui sont dans leur premier tour, ils n’ont pas de chouchou rose eux. Ca ça fait du bien.
Je croise les premiers de la course Strula et Collucci et puis je me fais doubler par le troisième. Un véritable avion de chasse.
Pas grave, je garde le cap, il faut que je termine sans marcher maintenant. De toute façon si je m’arrête, je ne pourrais plus repartir.
Alors je prends tous les ravitos, eau, coca, eau et gels.
Je repasse une dernière fois au village Ironman et je prends pour mon dernier tour, un chouchou jaune, ça devient vraiment dur mais je m’accroche.
Un gars me double et il porte la lettre D sur le mollet droit (signe qu’il est de la même catégorie d’âge que moi), il me prend une place pour la qualif éventuelle à Hawaï. Il va trop vite pour moi, tant pis.
34ème kilomètre ; les gens sur le bord de la route scandent mon nom (il est marqué sur mon dossard, mais normalement c’est le prénom qui est marqué et pour moi il y a eu une erreur et c’est mon nom de famille qui est écrit) alors les Brésiliens se demande ce que c’est que ce prénom « bizard », en effet, il est marqué « Bézard ».
35ème ; allez, il reste plus grand-chose, je donne tout, j’accélère, enfin j’ai l’impression d’accélérer.
36, 37, et 38ème, c’est bon ça. Je le tiens cet Ironman ! J’ai le soleil couchant dans l’œil, nous sommes dans l’hémisphère sud, c’est l’automne ici et les jours sont courts. Il fait nuit à 17h30. C’est magnifique.
Kilomètre 40, je prends mon dernier gel à ma ceinture pour le finish. La ligne droite de la rue principale de Juréré est longue, je vois l’église et je sais que la ligne d’arrivée n’est plus très loin. Je passe pour la dernière fois sous le portique séparant les différents passages, on m’oriente vers la file de gauche, celle de ceux qui en ont terminé. Je vois encore des gens qui finissent le parcours vélo.
Il reste 2195 m… le public est là, ils applaudissent, c’est la folie. Je n’ai plus de jambes et pourtant j’accélère encore ! Mes mollets sont tétanisés par les crampes. Cette ligne droite semble durer une éternité.
Et puis c’est le tapis bleu, les barrières, les tribunes, le speakeur, les flashs, et l’arche d’arrivée, avec le chrono ; 9h40. Ah oui, pas si mal finalement.
Je franchis la ligne et je pleure.
Oui je pleure, tellement d’efforts, de souffrances, de sacrifices, mais aussi de bonheur, je pense à mes filles, Milla et Maïlys, j’aurais voulu qu’elles soient là pour passer la ligne avec moi. Ce sera pour une autre fois. Je craque et ça fait du bien.
Je suis un Ironman dit le speakeur. Yes I am !
Après la ligne, médaille, t-shirt finisher rouge, massages, douche et rhabillage et puis les potes qui arrivent. Gilou, Seb, Chris.
Il fait nuit depuis longtemps lorsque l’on rentre à la pousada de Carlos à praia Daniela, je suis vidé mais heureux.
Mes potes m’appellent, ils sont sur internet et ont les résultats ; je suis 3ème dans ma catégorie d’âge (34/39 ans). Ils en prennent 8 pour Hawaï. Alors je suis qualifié. 42ème au scratch. Qualifié ! Oauhou, depuis le temps que j’en rêvais… en fait depuis que j’ai commencé le triathlon en première année STAPS à l’Université Paris V avec Didier Bertrand, qui était à l’époque le premier français sur cet Ironman historique. Je suis qualifié !
Le lendemain matin, j’ai réussi à trouver un moyen de réunir les 550 dollars US nécessaires à la validation de la qualification et c’est accompagné de Chris et Seb que je pars chercher le graal. Ils m’accompagnent pour immortaliser le moment, c’est super cool de leur part. Ce genre de moment est encore plus génial lorsqu’il est partagé avec des amis.
Alors pour faire le bilan de l’aventure :
Extraordinaire. L’épreuve, l’organisation, le public, le site, le temps, la qualif.
Pour les semelles, franchement, je crois que j’étais trop fatigué pour tirer des conclusions, je ne les aie pas senties. C’est déjà ça, mais faut que je les réessaye sur un marathon sec, avec Pierre par exemple (en Novembre sur Nice-Cannes).
Maintenant, il faut récupérer et savourer ce moment de pur bonheur du travail accompli, 15 ans de triathlon, des années d’entraînement intensif, 6 mois de préparation dans le froid, la pluie et le vent, alors oui, il faut savourer ces moments de réussite, ils sont courts et peu nombreux dans une carrière.
Et puis ensuite, on va se remettre au boulot, se relancer, mettre en place une nouvelle planification pour essayer de bien figurer sur ces Championnats du Monde à Kona, Hawaï, le 10 Octobre 2009.
Arnaud Bézard,
Finischer Ironman Brésil 2009
9h40- 42ème au scratch- 3ème en 34-39 ans.
1er français et 1er européen
4 Comments
Super ce petit récit ! On a presque l’impression d’y être!
Encore franchement bravo Mr Ironman, c’est épatant !!!!
Bravo Arnaud ! C’est super ce que tu as fait. On t’épuisera pas trop au Canada pour que tu puisse récupérer. ;)
Ca c’est de la dynamique à suivre pour tes petits stapsiens restés à Paris.
Félicitations !
Tu m’as fait rêver ! Peut être qu’un jour ce sera mon tour, qui sait…
Bravo Arnaud de faire partie des Ironmen !!
Si tu veux des conseils d’un vieil Ironman retraité comme moi, appelle-moi et surtout tiens-nous au courant pour Kona !!
Eric, frère de Gilou qui m’a envoyé ce lien.