La tendinopathie du muscle tibial postérieur regroupe les atteintes du tendon et de sa gaine. C’est la plus fréquente des douleurs tendineuses au pied, après celle du tendon d’Achille.

Anatomie et fonction du tibial postérieur (TP) : il s’agit du muscle en rouge sur l’image

Dans sa partie haute, les fibres de ce muscle s’insèrent directement sur le périoste1 tibial pour se réunir ensuite autour d’un tendon qui passe derrière la malléole interne et se termine sur la face plantaire de plusieurs os du pied.

En regard de la malléole interne, le tendon passe dans une gaine ce qui lui permet de coulisser sans frottements.

Le tibial postérieur est un gardien de la voute plantaire. A chaque pas, il stabilise le talon et contrôle la pronation.

Rappelons que l’excès de pronation, c’est à dire la bascule du pied à l’intérieur, est l’un des principaux facteurs de blessure en course à pied.

En fonction du degré d’évolution de la maladie, on distingue 3 types de lésions :

Les tendinites d’hyper sollicitation :

C’est la plus fréquente des tendinopathies du TP. Elle est provoquée par des micro-ruptures sur le corps du tendon. La douleur est le plus souvent unilatérale. Au début, elle apparait uniquement à l’effort (pratique sportive, marche station debout prolongée) puis devient rapidement permanente. A la palpation, on retrouve une ou plusieurs tuméfactions nodulaires, dures. Il s’agit de cicatrisations nodulaires dues aux micros ruptures. Le diagnostic est avant tout clinique mais il peut être confirmé par l’échographie ou mieux encore l’IRM qui permettent de visualiser l’épaisseur du tendon, la présence de nodules, de calcifications ou des pathologies de la gaine.

Comme toute pathologie dite de surmenage, elle serait provoquée par la réunion d’un facteur favorisant et d’un facteur déclenchant.

Les facteurs favorisants

  • La mauvaise hydratation
  • Le surmenage
  • La chaleur
  • Le manque d’échauffement
  • Le manque d’étirement
  • Les troubles statiques qui génèrent une hyper pronation (pieds valgus, pieds plats, genu varum, genu valgum, hypo extensibilité du triceps sural)
  • La surcharge pondérale

Les facteurs déclenchants

  • Le sport intensif
  • Les mouvements répétés de pronation
  • Les traumatismes directs, les terrains mal adaptés à la pratique sportive
  • Les chaussures inadaptées ou trop usées

La ténosynovite

C’est la pathologie inflammatoire du TP : elle touche le tendon mais aussi la gaine synoviale2. Elle est souvent secondaire à une tendinopathie par hyper sollicitation mais peut apparaitre aussi dans le cadre d’une maladie inflammatoire (polyarthrite…)

La douleur est de type inflammatoire. Elle apparait au repos, à la marche avec recrudescence nocturne. A l’examen, on va retrouver une douleur à la palpation du tendon, à l’étirement du tendon et à la contraction contre résistance (triade douloureuse). On a une hyper thermie locale et une tuméfaction cylindrique le long de la partie terminale du tendon.

Des complications peuvent survenir et aggraver le tableau clinique :

  • Apparition d’un syndrome du canal tarsien avec compression du nerf TP
  • Evolution vers un pied valgus avec une augmentation de la douleur
  • Risque de rupture possible

La rupture du TP

Elles surviennent généralement à la suite d’un mouvement forcé (chute, entorse…). Les ruptures peuvent toucher le jeune sportif ou l’adulte à partir de 50 ans qui reprend une activité sportive.

On retrouve souvent des facteurs favorisants tels que :

  • Les séquelles de tendinose3 mal traitée
  • Les infiltrations de corticoïdes
  • Les quinologues (certains antibiotiques)

 

Sur le plan clinique, une pression en regard de la zone de rupture n’est douloureuse que si la rupture est partielle (indolore si la rupture est totale). La gêne à la marche est majeure si la rupture est totale, modérée avec boiterie si elle est partielle.

Si la rupture est récente, il y aura apparition d’un hématome, d’un œdème et les mouvements du pied vont être difficiles.

Si la rupture est ancienne, on aura un pied valgus unilatéral important avec des mouvements d’inversion impossible.

En cas de suspicion de rupture, des examens complémentaires doivent être fait :

  • Radio pour faire le diagnostic différentiel avec un arrachement osseux (naviculaire)
  • Echographie qui peut confirmer l’étendue de la rupture
  • IRM très précis

La luxation du TP

Elle est exceptionnelle et souvent due à une séquelle de chirurgie du syndrome du canal tarsien consécutive à des mouvements d’éversion forcée.

Si aucun traitement n’est entrepris, il peut apparaitre une instabilité du pied à la marche qui nécessitera une orientation chirurgicale.

LES TRAITEMENTS

1) Les tendinites d’hyper sollicitation et la ténosynovite :

  • Les orthèses plantaires (OP) ou semelles orthopédiques : Les OP viseront avant tout à mettre le tibial postérieur au repos en limitant les facteurs favorisant sa sollicitation excessive. Les troubles statiques peuvent être corrigés pour éviter l’effondrement de l’arche interne. Associé aux bilans morphostatiques et dynamiques, un bilan postural réalisé par le podologue permet de lever certaines dysfonctions (musculaires, articulaires, neurales) et de réguler le tonus des chaînes musculaires dans leur globalité. Les orthèses plantaires ont donc une action à la fois biomécanique et posturale, l’un ne va pas sans l’autre.
  • La mise en place d’un tape. Le tape aura une action antalgique immédiate en attendant que les OP soient réalisées.
  • Le choix de la chaussure. Comme toujours, il est nécessaire d’adapter la chaussure en fonction du sport pratiqué, du gabarit du patient et de ses préférences motrices afin qu’elle puisse offrir un maximum de stabilité et de protection.

Pour la ténosynovite, en complément de la prise en charge podologique, un traitement médical de fond est souvent nécessaire.

2) La rupture du TP :
L’orientation est chirurgicale. En fonction du degré (rupture partielle ou totale) et de l’ancienneté de l’atteinte on pourra opter pour une immobilisation, une suture du tendon ou une intervention destinée à corriger les troubles statiques.

L’avis du kiné

« Les traitements qui semblent les plus efficaces sont: le froid à but antalgique, les étirements en vue d’obtenir un gain articulaire et remettre en charge le tendon, et, surtout, le travail excentrique. On peut également faire du MTP (massage transversal profond). On peut envisager les ondes de choc mais le patient doit accepter le traitement car très douloureux. A ne pas négliger non plus, d’un point vue plus ostéopathique : lever les restrictions de mobilité articulaires induites par la tendinopathie ainsi que les répercussions montantes sur le genou, la hanche, le sacrum ou plus haut.
Et enfin d’un point de vue nutritionnel, il est important de limiter l’alimentation pro-inflammatoire (riche en graisses saturées et en oméga 6). L’utilisation de curcuma peut être indiqué. Il faut aussi rappeler la nécessité d’une bonne hydratation. »
Julien Moi, Kinésithérapeute

Définitions :

  • Périoste : fine membrane richement vascularisée qui tapisse la paroi d’un os et permet l’insertion des muscles et tendons.
  • Gaine synoviale : Les gaines synoviales sont formées de tissu conjonctif à paroi lisse dans lesquelles les tendons peuvent pratiquement glisser sur les articulations sans aucun frottement.
  • Tendinose : C’est une atteinte chronique du tendon (≠tendinite : inflammation post-traumatique du tendon)

Pierre Lapègue